FILER DES
FIBRES POUR FABRIQUER DES FILS, DES CORDELETTES ET DES CORDAGES
L’art du filage est une activité essentielle qui
évolue tout au long de l’histoire humaine. Sans fils, sans cordelettes
et sans
cordages comment les hommes auraient-ils pu attacher, lier, suspendre,
coudre
ou tisser ? Comment auraient-ils pu confectionner des lignes ou
des filets
de pêche, des pièges pour la chasse, coudre des peaux pour leurs
vêtements ou
pour leurs tentes, façonner des tissus ? Beaucoup de ces activités
caractérisant l’homme ont pu être réalisées grâce à une invention
capitale, le
filage.
Filer avec ses doigts pour seuls outils, filer avec un
fuseau et une fusaïole ou filer avec une roue ou un rouet sont des
techniques
qui se sont développées et succédées au cours de la préhistoire et de
l’histoire. Avec l’invention du tissage au Néolithique, il y a environ
6000
ans, apparaît le couple fuseau-fusaïole qui permet de produire
rapidement des
fils réguliers. Il s’agit d’un axe en bois (le fuseau) lesté d’un poids
cylindrique ou sphérique (la fusaïole), auxquels on imprime avec les
doigts un
mouvement de rotation ; de cette manière, des fibres attachées à
l’extrémité
du fuseau subissent une torsion et forment un fil, lequel est ensuite
enroulé
sur le fuseau.
L’invention du couple fuseau-fusaïole a eu un tel
impact technologique qu’il est encore utilisé de nos jours dans de
nombreuses
parties du monde et le fut en Europe occidentale jusqu’au XIXème
siècle !
Dans nos contrées, ce n’est qu’au Moyen-âge, vers le XIIème siècle,
qu’apparaissent la roue à filer ou « espoulier », puis le
rouet à
épinglier à la fin du XVème siècle, en parallèle au développement de
l’industrie textile. Toutefois ces inventions ne remplaceront jamais
complètement le fuseau et la fusaïole qui produisent de meilleurs fils
et sont
très pratiques d’utilisation et peu onéreux!
Les fibres utilisées pour le filage sont en général
d’origine
végétale ou animale, issues de plantes et d’animaux sauvages au
Paléolithique,
puis de plantes cultivées et d’animaux domestiqués à partir du
Néolithique. A
l’époque des chasseurs-cueilleurs, les fibres végétales utilisées en
Europe
étaient collectées dans la nature, comme par exemple le liber de
tilleul, les
tiges de l’ortie, du lin sauvage, du genêt, de l’épilobe ou encore des
malvacées (mauves), les feuilles effilées des graminées, des joncs et
autres
carex. A partir du Néolithique, les premiers agriculteurs commencèrent à cultiver certaines plantes comme le lin et
le chanvre, tout en continuant à utiliser les fibres sauvages comme le
liber de
tilleul, toujours très abondantes à cette époque comme matériau pour
les fils
et les cordages.
En ce qui concerne les fibres animales, les tendons
animaux permettaient de ligaturer des pointes de flèches ou de sagaie à
leurs
hampes ou des haches à leurs manches par exemple. Les tendons pouvaient
aussi
être filés pour obtenir des cordelettes extrêmement résistantes. Les poils d’animaux sauvages et domestiques
furent également utilisés comme la laine des moutons, des chèvres, des
camélidés, les crins des chevaux, des bovidés et pourquoi pas ceux des
mammouths ! Et finalement on ne saurait oublier le fil du ver à
soie dont
l’origine est chinoise.
Bibliographie :
• La draperie au Moyen Age, de Dominique
Cardon, Ed. CNRS, 1999.
• Archéologie des textiles des origines au Vème siècle,
Actes du colloques de Lattes sous la direction de
Dominique Cardon et Michel
Feugère, Monographies instrumentum 14, Ed. Monique Mergoil, 2000.
• L'art du tissage au Néolithique, IV-IIIème millénaires
avant J.-C. en Suisse, de Fabienne Médard, Ed. CNRS,
2010.
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