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LES FRAGMENTS DE TORCHIS DE L’AGE DU BRONZE FINAL DU SITE DE ROZTOKY (TCHEQUIE).

La Structure 15b

Marc Haller et Anne-Lyse Gentizon Haller.

Les objets de cette étude sont des fragments de torchis brûlés lors d’un incendie, un matériau de construction composé de terre grasse mélangée à des végétaux. Ce matériau est encore utilisé de nos jours en association avec des éléments de bois pour construire des parois de bâtiments ou d’autres structures de l’architecture vernaculaire. Il est fréquemment observé dans les sites archéologiques, mais son étude est rarement menée à terme. Les fragments de torchis peuvent toutefois être d’un grand intérêt pour reconstituer le type de paroi ou de structure en bois qu’ils revêtaient et de ce fait contribuer à la connaissance de l’architecture et de l’habitat préhistoriques.

Les fragments étudiés proviennent de l’horizon du Bronze final du site de Roztoky (Tchéquie). Cet habitat, fouillé par les archéologues Martin Kuna et Pavel Sankot entre 1980 et 1983, est principalement représenté par des structures en creux, dont fait partie la structure 15b. Il s’agit d’une fosse circulaire à fond plat, aux bords verticaux, d’une profondeur d’un mètre environ et d’un diamètre de près de deux mètres. Sa fonction n’est pas clairement établie. Le choix de cette structure a été dicté par la bonne conservation des fragments de torchis. Ils sont assez peu fragmentés et érodés, leur poids pouvant aller jusqu’à 1,8kg et leur dimension jusqu’à une trentaine de centimètres. Il faut aussi noter que ces fragments ne proviennent pas forcément d’une structure liée à la fosse 15b. En effet, l’érosion a emporté toutes les traces d’aménagement en surface et a dû regrouper dans les structures en creux les vestiges au sol et en élévation.

Numéros de l’inventaire
313 numéros
Nombre de fragments
795 fragments
Poids total
103 kg

Nous partons du postulat que ces objets proviennent tous de la même structure en élévation, sauf observations contredisant ce postulat. Les caractéristiques de chaque fragment sont répertoriées dans une base de données. Elles permettent de distinguer différents types (types 1 à 8). Certains spécimens de petites dimensions ont été répertoriés sous le même numéro, notamment les plaquages de type 8, ce qui explique la différence entre le nombre de numéros d’inventaire et le nombre d’individus.

Description des différents types de fragments de torchis

Les fragments de type 1 présentent une face avec des empreintes de bois refendus, longs et étroits, et une autre face lissée, opposée et parallèle à la première. Les côtés où se trouvent ces marques de bois seront nommées « faces internes » dans la suite de ce texte pour tous les types. Ces empreintes se caractérisent par les négatifs des cernes de bois refendus probablement à la hache.

Type 1
Figure 1 : Type 1

Structure 15b
Structure 15b

Les longueurs des bois n’ont pas pu être déterminées à cause de la fragmentation des pièces qui ne mesurent pas plus d’une trentaine de centimètres. Différents bois peuvent apparaître sur un fragment (au maximum cinq individus) et sont en principe parallèles entre eux, côte à côte ou bout à bout, de manière à couvrir une surface.

Dans de nombreux cas (52% du type 1), le torchis forme, dans les interstices entre les bois, des nez dus au foisonnement de la terre au moment de son application par pression. Les empreintes sur ces nez indiquent que les bois sont non seulement refendus sur une face, mais sur deux ou trois.
Ces observations vont dans le sens de l’utilisation de planches plutôt étroites et fines, disposées à plat et de façon jointive, comme support ou armature pour le torchis.

Le type 2, qui n’existe pas dans cet échantillon, a été défini à partir de données provenant d’autres sites et de l’architecture vernaculaire. Il s’agit de joints de colmatage appliqués par pression entre deux poutres. Leur profil forme un triangle quelconque avec deux empreintes de poutres équarries ou non et une face externe lissée au doigt. Ils viennent colmater les interstices entre les poutres d’un bâtiment en « Blockbau », c’est-à-dire des poutres superposées horizontalement formant un caisson assemblé aux angles. Ces joints de colmatage non couvrants servent surtout à étanchéifier les parois. Leur absence dans cet échantillon permet d’exclure ce genre de construction.

Type 2
Figure 2 : Type 2

Les fragments de type 3 ont le profil d’un triangle rectangle et peuvent aussi être qualifiés de joints de colmatage. Leurs faces internes forment souvent un angle droit et même, dans un cas, un coin prenant place entre trois plans perpendiculaires différents. Sur ces surfaces, les empreintes de bois refendus sont bien visibles, tout comme dans les types 1 et 4.

Type 3
Figure 3 : Type 3

La face externe, opposée au coin ou à l’angle, a parfois conservé la trace des doigts ayant appliqué le torchis. Dans la majorité des cas (96% du type 3), ces surfaces sont enduites d’un revêtement blanchâtre souvent appliqué en plusieurs couches. Ces fragments étaient situés à l´intérieur d´une structure qui comprenait deux ou trois plans de bois refendus, perpendiculaires entre eux. Il pourrait s’agir de la jonction entre les parois, plancher ou plafond d’un bâtiment ou entre les parois et le fond d’une structure plus modeste.

Les fragments de type 4 sont semblables au type 1, mais présentent en plus des empreintes d’une ou de plusieurs baguettes rondes dans leur épaisseur. Le plan dans lequel elles s’inscrivent se situe entre la face interne et la face externe. Il faut noter que les baguettes sont en majorité perpendiculaires aux bois refendus, les touchant souvent, tout en étant noyées dans le torchis. Leur position n’est pas due à la proximité d’un clayonnage, mais elles font partie intégrante de la structure étudiée qui réunit dans sa conception bois refendus et baguettes rondes. Seuls trois spécimens (6,25% du type 4) comportent des baguettes parallèles aux bois.

Type 4
Figure 4 : Type 4

Les fragments de types 1 et 4 occupaient probablement des positions similaires dans la structure et sont à considérer comme un revêtement de surface assimilable à un torchis. Les épaisseurs entre les bois refendus et la face lissée externe varient entre 1,5cm et 8cm, soit une moyenne de 4,5cm pour ces deux types. Leurs faces externes ne sont généralement pas enduites, sauf dans deux exceptions avec des traces blanches.

Les fragments de type 5 sont indéterminables et ne peuvent être classés dans l’une ou l’autre des catégories définies. Ils ne représentent que 3,4% des spécimens, ce qui prouve l’excellente conservation des éléments de cette structure.

Les fragments de torchis de type 6 se caractérisent par un profil plus ou moins triangulaire et par une empreinte de rondin ou de quartier de rondin non équarri (planche 1.1). La fréquence d’autres éléments comme des baguettes (dans 3 cas sur 9) ou des bois refendus (dans 2 cas sur 9) est assez importante. Dans deux cas, il y a une face externe lissée au doigt et couverte d’un enduit blanchâtre. Ces pièces sont manifestement situées à l’intérieur d’une structure, tout comme le type 3.

Type 6
Figure 5 : Type 6

Il convient de rapprocher le type 6 du type 3, car ils présentent tous les deux des profils finis triangulaires et une épaisseur relativement faible (entre 3cm et 8cm), ce qui permet de les classer dans la catégorie des joints de colmatage. Ils se différencient par ailleurs des types 1 et 4 par la fréquente présence de traces d’enduit ou de peinture blanchâtre.

Les fragments de type 7 ne présentent que des empreintes de baguettes rondes, sans aucune trace de bois refendus. Seule la pièce ci-dessous est vraiment caractéristique d’une paroi en clayonnage recouverte de torchis ; les autres fragments ne comportent qu’entre une et trois baguettes, ce qui ne permet pas d’attester une paroi de ce genre. Ce mode de construction est manifestement différent de celui obtenu avec les bois refendus, mais il est impossible d’exclure des éléments mixtes dans la même structure.

Type 7
Figure 6 : Type 7

Les fragments de torchis de type 8 forment des plaques qui sont de faible épaisseur, entre 0,4cm et 1,9cm, plus ou moins régulières. La face externe est presque toujours recouverte par plusieurs couches d’enduit successives (au maximum 8 couches) allant du blanc au gris-bleu, parfois mauve ou rose. La face interne comporte parfois les cernes d’un ou de plusieurs bois refendus, dans un même plan et parallèle à la face externe et dans deux cas, l’empreinte d’un rondin.

Type 8
Figure 7 : Type 8

La morphologie des fragments de la fosse 15b permet de les regrouper en trois catégories. Les types 1 et 4 forment la première : le type 4 étant un cas particulier du type 1 avec des empreintes de baguettes en plus. La seconde catégorie comporte les types 3 et 6, ce dernier possédant des empreintes de rondins, mais toujours un profil triangulaire et souvent une face externe enduite. Le type 8 peut être mis en relation avec cette seconde catégorie, car il s’agit souvent d’une prolongation à plat du type 3. L’hypothèse est que ces deux catégories formaient respectivement l’extérieur et l’intérieur d’une même structure en bois. Le type 7 reste isolé, bien que son aspect se rapproche plutôt des types 1 et 4.

Les associations de bois refendus, de baguettes et de rondins sur les différents types de fragments, ainsi que les caractéristiques similaires de ces éléments dans l’ensemble du corpus induisent une complémentarité de ces bois dans la construction d’une structure destinée à supporter le torchis.

Planche 1

Le corpus en chiffres

La fragmentation des pièces est très diverses, avec des poids moyens variant entre 3 grammes pour le type 8 et 524 grammes pour le type 4. Ces différences sont vraisemblablement dues à la morphologie du torchis, plutôt qu’à une cause liée à l’érosion. Comme le montre le tableau 1, le type 8, plaques fines et délicates, est fortement fragmenté et représente 54% des spécimens, alors qu’il ne constitue que 1,42% du poids. A l’opposé, le type 1 ne totalise que 18,99% des individus pour 61,27% du poids ; il formait un revêtement épais recouvrant une surface qui s’est fracturée plus ou moins régulièrement en carré. Les types 3 et 6 étaient plutôt des barres triangulaires allongées qui se sont fissurées en tronçons irréguliers.

Types
Nombre d'individus
Poids en kilogrammes
1
151
18,99%
63,232
61,27%
2
0
0
0
0
3
121
15,22%
4,521
4,38%
4
49
6,16%
25,707
24,91%
5
27
3,39%
3,527
3,41%
6
10
1,25%
3,389
3,28%
7
7
0,88%
1,340
1,29%
8
430
54,08%
1,470
1,42%
Totaux
795 individus
-
103,186 kg
-
Tableau 1 : Nombre d'individus et poids par types de fragments de torchis.
Dans le tableau 2 sont exprimées en centimètres carrés les surfaces externes des fragments, lorsqu’elles étaient conservées, à savoir dans 91,6% des cas. Ces données ont permis d’estimer le poids du revêtement au mètre carré pour chaque type.
La surface totale des faces externes de tous les types est de 1,26m2. Elle se répartit en 0,89m2 pour les types 1 et 4, situés à l’extérieur, et 0,32m2 pour les types 3, 6 et 8, situés à l’intérieur du bâti. Cette proportion suggère que le revêtement intérieur ne représentait qu’un tiers du revêtement extérieur. Une autre interprétation possible serait que les types 3, 6 et 8, plus légers, étaient mieux représentés dans le haut du remplissage de la fosse qui a pu être érodé.
Le poids du revêtement par mètre carré est de 87,895kg pour les fragments extérieurs (types 1 et 4), alors qu’il chute à 44,340kg par mètre carré pour les fragments intérieurs (types 3, 6 et 8). Le revêtement extérieur est plutôt épais et devait servir à isoler la paroi, alors que celui de l’intérieur servait plus probablement à colmater les interstices et aux finitions.

Types
Surfaces externes en m²
Poids en kg (individus avec surface mesurée)
Poids par m²
1
0,6144
56,612
92,142
4
0,2763
23,112
83,648
1+4
0,8907 m²
79,724 kg
87,895 kg/m²
3
0,1228
3,813
31,050
6
0,0358
3,319
92,710
8
0,1588
1,470
9,260
3+6+8
0,3174 m²
8,602 kg
44,340 kg/m²
5
0,0483
2,886
59,752
7
0,0124
0,755
60,890
Tous les types
1,2688 m²
91,967 kg
61,350 kg/m²
Tableau 2 : Surfaces externes et poids par mètre carré par types de fragments de torchis et par groupe de types.
Dans le tableau 3, les dimensions moyennes des éléments en bois sont exprimées pour chaque type de fragment. Les bois refendus sont plutôt étroits avec une moyenne de 5,1cm de largeur finie (mesurée sur 21 empreintes) et fins, avec 0,6cm d’épaisseur moyenne (mesurée sur 7 empreintes). La variabilité des largeurs est forte, entre 1cm et 9,2cm. Leur longueur finie n’a jamais pu être observée, mais dans beaucoup de cas, une des extrémités est visible, parfois même plusieurs extrémités sur le même fragment (planche 1.4).

Fragment de type 4 avec plusieurs bois refendus
Figure 8 : Fragment de type 4 avec plusieurs bois refendus

Ces observations impliquent une longueur restreinte des bois refendus, qui serait comprise entre 20cm et 60cm; il  s’agissait probablement de chutes ou de déchets issus d’autres activités liées au travail du bois (couverture, charpente, plancher, etc.). Ces éléments seront appelés planchettes dans ce texte.

Types
Bois refendus/Planchettes
Baguettes
Rondins

Nombre de bois
refendus
Moyenne des largeurs finies
Moyennes des épaisseurs mesurables
Nombre de baguettes
Moyennes des diamètres
Nombre de rondins
moyenne des diamètres des rondins
1
267
5,3
0,8
-
-
-
-
3
91
9,2
-
-
-
-
-
4
95
5,1
0,5
70
1,3
8
-
5
8
-
-
2
0,8
-
-
6
5
4,4
-
7
1,3
8
15,1
7
0
-
-
19
1,2
-
-
8
14
-
-
-
-
-
-
Tous les types
480 empreintes
5,1 cm
0,6 cm
98 empreintes
1,3 cm
8 empreintes
15,1 cm
Tableau 3 : Dimensions des empreintes des bois constituant la structure.

Les diamètres des baguettes sont assez divers avec de très fines tiges de 0,2cm qui sont presque des brindilles, jusqu’à de robustes éléments de 2,4cm et une moyenne de 1,3cm. Elles sont souvent doublées ou triplées et perpendiculaires aux bois refendus, notamment sur le type 4. Les diamètres sont semblables sur les types 5, 6 et 7.
Enfin, les diamètres des rondins, observés sur 8 empreintes, prouvent une certaine variabilité, entre 8cm et 29cm, pour une valeur moyenne de 15,1cm.

En postulant que les types 1 et 4 sont complémentaires et constitutifs du revêtement extérieur, il est possible de calculer l’espacement entre les baguettes perpendiculaires aux planchettes. Il est estimé à une trentaine de centimètres.


La terre et le dégraissant végétal du torchis

Les fragments sont constitués d’un mélange de terre argilo-limoneuse et de végétaux, en majorité des glumes de céréales, ainsi que des tiges de céréales ou d’herbacées. L’emploi d’un dégraissant végétal en forte proportion sert à alléger le torchis et limite les fentes de rétraction lors du séchage. La présence de dégraissant minéral, sable, quartz, gravillons ou chamotte, n’a pas été constatée.

Un fragment a été prélevé pour des mesures de densité. Sa masse volumique initiale était de 1,14kg/dm3. Après dégazage de l'air emprisonné dans le torchis qui correspond à la place qu’occupaient les végétaux, son volume est passé de 100ml à 58,82ml. Après un quart d'heure d'immersion, il n'avait pas fondu, ce qui indique que la terre très argileuse a été bien cuite. Lorsqu’il fut brisé au marteau une multitude d’empreintes de graines et d'herbes se révélèrent dans toute l'épaisseur du torchis. L’étude de ces empreintes donnerait des informations sur l’environnement végétal, naturel et cultural du site. Une étude sédimentologique serait également souhaitable pour définir le type de terre employé, et le comparer avec des gisements d’argile locaux aux alentours du site.

La coloration des fragments de torchis

En général, ils présentent une face externe rubéfiée de couleur orange à beige et une face interne plus brune, alors que l’intérieur est plutôt noir ou brun foncé.
La rubéfaction des faces externes peut être conséquente à une forte oxydation lorsqu’elles furent exposées à une source de chaleur intense (incendie par exemple). La coloration plus brune des faces internes a vraisemblablement été causée par une combustion en réduction, partielle ou complète, des bois en contact avec celles-ci. L'intérieur des fragments est généralement brun noir en raison de la cuisson en réduction ou simplement à cause de la couleur naturelle de la terre utilisée.

Les points acquis
  • Sur la majorité des types (1, 3, 4, 6, 8), l’observation d’empreintes similaires de planchettes suggère que ces fragments appartenaient à une même structure.
  • Ces planchettes minces et étroites sont jointives et agencées dans un plan plus ou moins plat, de manière à couvrir le plus de surface possible.
  • Sur une des faces formée par les planchettes, un torchis d’une épaisseur variant entre 1,5cm et 8cm a été appliqué par pression, puis lissé sur sa face externe (types 1 et 4).
  • Sur les types 1 et 4, la fréquence d’empreintes de jonction de planchettes bout à bout montre que la longueur de ces dernières était modeste, probablement entre 20 et 60 cm.
  • Les interstices entre les planchettes sur les types 1 et 4 ont été comblés par le torchis qui a formé des bourrelets ou nez de foisonnement débordant dans plusieurs cas jusqu’à la face opposée des planchettes. Ce revêtement n’a rencontré aucun obstacle : par conséquent, il ne devait être appliqué que d’un seul côté.
  • Les nez de foisonnement ont souvent des profils asymétriques dus à la descente par gravité de la terre encore fraîche; ceci permet de déduire la position des planchettes, placées horizontalement et de chant, dans un plan vertical.
  • Les empreintes de baguettes rondes sur les fragments de type 4 permettent de déduire l’existence d’une grille constituant un clayonnage peu serré, disposé contre les planchettes du côté du torchis et perpendiculairement à celles-ci.
  • Les types 3 et 6 ont un profil fini, triangulaire, formé par deux ou trois plans perpendiculaires de planchettes et une surface de finition lissée et enduite. Ce sont des joints de colmatage situés à l’intérieur de la structure, dans un angle ou dans un coin.
  • Les fragments de type 6 comportent des empreintes de rondins souvent associées à celles de baguettes et de planchettes ; ceci prouve l’association de ces trois éléments de bois dans la même structure.
  • Par opposition, les types 1 et 4 ne possèdent aucune empreinte de rondin, d’angle, de coin ou de bord. Ils n’explicitent pas à priori leur position intérieure ou extérieure dans la structure.
  • Des couches d’enduit blanchâtre sont en général observables sur les faces lissées des fragments triangulaires de types 3 et 6 et très rarement (2 cas) sur les types 1 et 4.
  • Les fragments de type 8 forment un revêtement fin de torchis appliqué sur les planchettes. Ils sont généralement enduits ce qui suggère, par analogie avec les types 3 et 6, une position à l’intérieur de la structure.
  • Sur les types 3, 6 et 8, plusieurs couches d’enduit blanchâtre ont souvent été appliquées (au maximum 11 couches successives) en alternance avec des couches de barbotine fine beige orange (planche 1.2).
  • Tous les fragments sont composés par la même qualité de torchis, une terre limoneuse beige en mélange avec des glumes de céréales et de la paille ou des herbes.
Les hypothèses

Dans le postulat où ces fragments proviennent tous de la même structure en élévation, il semble logique de parler d’une paroi verticale constituée d’un extérieur en torchis et d’un intérieur jointoyé aux angles avec d’autres plans (poteaux, planchers, parois, plafond). En effet, il y a deux grandes catégories de fragments, les quadrangulaires épais, types 1 et 4, qui sont les mieux représentés dans ce corpus et qui correspondraient au torchis extérieur de la paroi, ainsi que les triangulaires de colmatage ou de finition, types 3 et 6, moins nombreux, qui représenteraient l’intérieur de la paroi.
Les fragments triangulaires de type 3 et 6, assez complexes dans certains cas, attestent la présence d’éléments architecturaux circulaires comme des poutres ou rondins et également l’existence de deux ou trois plans de bois refendus, perpendiculaires entre eux. Ces fragments se trouvaient à la jonction entre les parois et le plancher ou le fond de la structure. Les faces externes montrent souvent les traces des doigts ayant appliqué le joint dans l´angle des bois.

Figure 9
Figure 9 : Proposition de reconstitution de la paroi en torchis et position des différents types.

Les fragments mixtes de type 4, comportant à la fois planchettes et baguettes de clayonnage, montrent la particularité de la réalisation de cette paroi. Elle consisterait dans la mise en place d’une sorte de « coffrage » de planchettes refendues, disposées horizontalement et de chant, et maintenues en place au moyen d’un clayonnage léger de baguettes rondes, verticales et espacés d’une trentaine de centimètres, faisant aussi office d’armature pour le torchis, comme des fers à béton. D’autres baguettes verticales étaient peut-être disposées de l’autre côté des planchettes pour les maintenir en place. Les traces de rondins sur le type 6 indiquent la présence d’éléments plus robustes, voire d’une charpente, qui ont dû contribuer au maintien des planchettes du côté intérieur.

Dans l'ensemble du corpus, les empreintes des bois refendus indiquent plutôt le choix d’un débitage perpendiculaire aux cernes. La morphologie de ces derniers fait penser que le résineux est la principale essence choisie pour ces éléments (planche 1.3). Par ailleurs, certaines planchettes s’inscrivent dans des plans légèrement différents et ont probablement été « plantées » dans l’épaisseur du torchis, ce qui montre que leur pose a dû être exécutée en alternance avec celle de la terre, au fur et à mesure du montage de la paroi. Il est possible d’imaginer des temps de séchage intermédiaires, afin de ne pas trop solliciter le clayonnage assez léger, avant que le torchis n’ait séché et durci.

L’emploi d’un enduit blanchâtre, notamment sur les fragments situés à l’intérieur (type 3, 6 et 8), montre un souci de finition de la paroi. Son aspect blanchâtre fait penser à un enduit à base de chaux.  Une analyse chimique apporterait certainement des résultats intéressants concernant sa composition.

Les hypothèses non retenues

L’hypothèse d’une sole de foyer sur plancher surélevé n’a pas été retenue, car il serait difficile d’expliquer la présence de baguettes dans son épaisseur. Les faces externes rubéfiées ne comportent pas non plus de traces d’usure, de fentes, d’accident, de cendres ou de charbons, ce qui serait le cas pour une sole de foyer.
Ces fragments ne semblent pas non plus appartenir à une petite structure du genre coffre ou silo, car les faces externes des types 1 et 4, mesurant près d’un mètre carré, ne présentent aucun angle ou rebord.
L’absence du type 2 permet d’exclure une architecture en « Blockbau » colmatée par des joints triangulaires non couvrant, servant à étanchéifier les interstices des parois.

La convergence des observations laisse supposer que les différents types de fragments de torchis faisaient partie d’une même construction, de dimensions assez importantes. Il semble vraisemblable que nous soyons en présence de bâtiments construits soit sur poteaux, soit sur poutres sablières. L’existence de poteaux est attestée, sans pouvoir affirmer s’ils sont assemblés sur des sablières ou plantés dans le sol.
Il est à noter que ce type de paroi, constitué de planchettes, de baguettes et de torchis, n’est pas autoportante et que, par conséquent, il faut inévitablement imaginer une structure portante faite d’éléments verticaux (poteaux) et horizontaux (poutres).
Sur le site de Roztoky à cette période, l’absence de plans de bâtiments déterminés par un ensemble de trous de poteaux signifie soit qu’il s’agit de constructions sur sablières basses, soit que les trous de poteaux ont été érodés.

Conclusions

Cette étude des fragments de la fosse 15b a permis de reconstituer un mode particulier de construction de parois en bois et torchis. Une étude complète des fragments du site apporterait probablement des réponses à des questions que ne permet pas d’aborder cet échantillon. Les types de fragments sont-ils représentés dans d’autres structures contemporaines et sur l’ensemble de l’habitat ? Existe-t-il d’autres types de fragments qui démontreraient l’existence d’autres modes de construction en torchis ?
Cette première approche devrait également être complétée par des comparaisons avec des sites contemporains. Par ailleurs, il serait intéressant d’élaborer une expérimentation, afin de tester les hypothèses concernant ce mode de construction. La réalisation à l’échelle réelle d’une telle structure enrichirait les observations faites sur les fragments en les confrontant avec les résultats de l’expérimentation.


Bibliographie

Marc Haller, Anne-lyse Gentizon, Martin Kuna, 2007. Mazanice z pozdni doby bronzové z Roztok. Archeologicke Rozhledy, roenik LIX-2007, sesit 4, pp.765-778. Archeologicky ustav Akademie ved CR, Praha.

Martin Kuna, Andrea Nemcova, dir., 2012. Vypoved sidlistniho odpadu, The evidence of settlement discard. Finds from the Final Bronze Age at Rostoky and the depositional analysis of archaeological context. Archeologicky ustav AV CR, Praha.